Et maintenant, dites-moi (à la fin je ne sus me retenir), comment avez-vous fait pour savoir ?
— Mon bon Adso, dit le maître. J’ai passé tout notre voyage à t’apprendre à reconnaître les traces par lesquelles le monde nous parle comme un grand livre. Alain de Lille disait que
omnis mundi creatura
quasi liber et pictura
nobis est in speculum
et il pensait à l’inépuisable réserve de symboles avec quoi Dieu, à travers ses créatures, nous parle de la vie éternelle. Mais l’univers est encore plus loquace que ne le pensait Alain, et non seulement il parle des choses dernières (en ce cas-là d’une matière obscure), mais aussi des choses proches et alors là d’une façon lumineuse.
Le Nom de la Rose, p. 36
Ce petit poème latin est la moitié de la première strophe d’une œuvre médiévale plus longue. La strophe entière :
Texte originel latin | Traduction en français |
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Omnis mundi creatura quasi liber et pictura nobis est in speculum: nostrae vitae, nostrae mortis, nostri status, nostrae sortis fidele signaculum, | Toute créature du monde comme un livre, comme une image nous apparaît en un miroir. notre vie, notre mort, notre état, notre sort il (le miroir) en est la fidèle représentation |
Alain de Lille, Rhythmus alter, PL, vol. 210, col. 579.
Ce poème est inspiré du théologien chrétien et philosophe néo-platonicien du XIIe siècle, Alain de Lille ; il constate que l’observation du monde naturel peut nous aider à comprendre notre propre vie. mais cette compréhension est bornée. Il y a peut-être ici un rappele du livre de l’Ecclésiaste, dans lequel le fils de David peut voir la réalité et l’inévitabilité de la mort, mais ne peut pas voir la résurrection. C’est la limite de toute forme de théologie naturelle : elle a besoin de la révélation donnée en Jésus et attestée dans l’Écriture pour dire la vérité de notre existence. Umberto Eco suggère à juste titre que Dieu nous parle effectivement de la vie éternelle à travers les choses créées, mais seulement de manière obscure.
Le sujet est repris et reformulé de manière plus prosaïque p. 351.